
Un poing c’est tout !
Samedi 5 janvier. Pont Sédar Senghor. Un homme bascule, et frappe.
Ce samedi, Christophe Dettinger n’est pas un ex champion de France de boxe. Ce samedi, Christophe est un homme en colère. Comme nombre de français, il jugule sa colère en défilant dans les rues de Paris. S’il défile, c’est pour essayer d’exprimer une violence qu’il subit au quotidien ; non pas nécessairement directement sur lui-même, mais sur tout ce à quoi il tient : son pays, son peuple, sa famille, ses amis, ses voisins, ses collègues. Cette violence, qui ne laisse aucune trace de phalanges sur les corps sur laquelle elle s’abat, n’engendre pas moins de douleurs, pas moins de souffrance qu’un poing s’écrasant sur le visage casqué d’un gendarme. Pire, par son caractère invisible, insidieux, latent, elle s’immisce dans le quotidien des gens, elle les brise, les uns après les autres, sans un cri, sans un bruit, sans une autre marque que celle du désespoir, de la résignation pour tous ces hommes et femmes essorés comme de vulgaires serpillères par l’extrême brutalité de notre système économique. Aucune caméra ne capte les divorces, les dépressions, les suicides que cette violence sociale engendre ; aucun procès n’est intenté ; aucune cagnotte n’est lancée, dénoncée, confisquée. Comment combattre un ennemi qui n’a pas de visage à force d’en avoir tant ?
Et pourtant, ce samedi, Christophe, avec tous les autres français qui comme lui battent le pavé de leurs chaussures, essaie de rendre visible l’invisible. Il crie le nom de celui qui aujourd’hui symbolise toute la cruauté de cette société où une minorité d’hommes appauvrit la majorité, est nourrie par elle, et la gouverne avec mépris. « Macron, démission ! ». Christophe, c’est Julie, c’est Maxime, c’est Ibrahim, c’est Sofiane, c’est Christelle, c’est Jacques. Christophe, ce samedi 5 janvier, c’est la France.
Lorsqu’il bascule, lorsqu’il atteint ses limites humaines face à la colère, face aux violences policières qu’on ne peut, et qu’on ne doit pas nier sans pour autant les systématiser – nombre de policiers se comportent avec exemplarité –, il frappe. Il frappe non pas comme un boxeur mais comme un être humain. Et ça n’est pas sa technique ou son jeu de jambe qui parle au moment où il lance ses poings, c’est son cœur. Il frappe seul, face à des hommes équipés, et armés quand un commandant décoré de la légion d’honneur cogne, dans l’exercice de ses fonctions, un homme immobilisé, encadré de gendarmes. Si l’on peut tous comprendre qu’un homme excédé dérape, cela n’excuse pas cette violence. Et d’ailleurs, Christophe ne cherche nulle excuse, lui. Il assume et regrette ses actes. Il fait face, sans aucun vice-procureur pour le blanchir.
Dans sa vidéo, face au visage meurtri d’un homme qui regrette, combien ne se sont pas retrouvés ? Combien ne sont pas dit, aussi pacifiques qu’ils soient : « Oui, moi aussi, si ma femme avait été gazé, j’aurais pu… ». Ce « j’aurais pu… » c’est ce qui fait que nous sommes que des hommes, avec nos limites, nos erreurs. Dans ses yeux, des milliers de français se sont reconnus, et c’est pour cela qu’ils ont spontanément décidé de faire un don à la hauteur de leurs maigres moyens. Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, rapidement la cagnotte a dépassé les 100 000 euros – et il y a fort à parier qu’elle aurait continué à grimper sans l’intervention abusive du pouvoir.
Mais alors, toute la chienlit bourgeoise parisienne s’est soudainement sentie outrée par cette immonde solidarité populaire pour « le gitan de Massy » ! Drapée dans ses costards à plusieurs milliers d’euros, la députasserie s’est insurgée ! Que l’on confisque l’argent ! Qu’on le rende aux forces de l’ordre ! Qu’on le vole ! Eh ! Qu’importe ?! Voler l’argent du peuple, ils ne font que cela depuis cinquante ans. Eux, les prêtres du libéralisme, toujours prêts à assiéger les plateaux télé pour revendiquer la sacro-sainte liberté qu’il faut conférer à l’argent, à sa circulation, à sa prolifération ! L’argent roi, même l’argent sale !
Mais pas n’importe quel argent ! L’argent bien dirigé, bien possédé. Cet argent ne saurait sortir de la poche du peuple pour aller dans celle d’un de ses camarades. Surtout pas ! S’il s’agit d’un don pour une campagne politique, oui, là bien-sûr, c’est différent. Avec eux, l’ignoble ne le dispute qu’à l’abjecte. Cette clique amorale, qui se vautre dans des repas à 200 euros – on ne mange pas pour moins à Paris –, qui imagine un SMIC à plusieurs milliers d’euros, en agissant ainsi, remplit le réservoir de colère du peuple. Ils sont notre carburant ; et sur celui-ci aucune taxe ne fera baisser le niveau.
Alors, on te le dit : Christophe, nous sommes avec toi, un poing c’est tout !
N.
2 commentaires
Merci pour ce nouveau groupe qui nous rassemble tous!
Avec ce groupe, nous irons loin dans notre mouvement … Ne lachons rien